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Je ne suis pas esclave de l'esclavage qui déshumanisa mes pères - hommages

Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères* - Hommages à Frantz Fanon, Steve Biko, Sorijini Naïdu et à Wambui Waiyaki Otieno

* citation du livre Peau noire, masques blancs - 1952 - Frantz Fanon

série de portraits gravés, creusés sur paraffine - 45 x 35 x 1 cm - en cours depuis 2016

Exposé Frac Alsace du 4.12.2021 au 27.02.2022 pour l'exposition Transmergence # 03

Extrait du livret d'exposition du FRAC Alsace : 

Sybille du Haÿs conçoit souvent ses œuvres comme des projets longue durée dont les différents éléments se construisent au fil du temps. Cette méthode de travail rappelle le processus de constitution d’une collection. La mémoire et l’Histoire sont les terrains de recherche de prédilection de l’artiste  qui s’intéresse notamment au passé colonial. Française et blanche, elle se place en héritière de cette époque lourde à porter. En fouillant dans l’Histoire d’Europe ou d’ailleurs, Sybille du Haÿs s’attache à mettre en lumière des récits qui aident à dépasser cet héritage pour avancer vers de nouveaux repères. Elle cite ainsi Frantz Fanon en substance, figure première de son projet : « (…) il nous faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf. » (1)

 

Avec l’œuvre  Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères, l’artiste rend hommage et fait acte de mémoire. Elle s’intéresse aux écrits et biographies de personnalités qui ont œuvré, hier et aujourd’hui, à la remise en cause de systèmes politiques aliénants comme la colonisation ou l’apartheid. Le titre du projet est une citation tirée du livre « Peau noire, masques blancs » écrit par Frantz Fanon paru en 1952 (2). Pour le moment, le projet est constitué de quatre portraits gravés dans la paraffine :

 

  • Frantz Fanon (1925-1961) psychiatre et auteur français. Né en Martinique, Fanon étudie la médecine à Lyon et part en Algérie française en tant que médecin psychiatre. Il y analyse le système colonial via le prisme des troubles psychiatriques de ses patients. Ses textes et ses discours décrivent ce système politique comme aliénant pour le colonisé mais aussi pour le colonisateur. Il sera une des voix fortes pour l’indépendance de l’Algérie et de tous les pays d’Afrique. 

 

  • Steve Biko (1946-1977) militant des droits civiques sud-africain. Quand Nelson Mandela est en prison, Steve fonde le mouvement the Black Consciousness, la Conscience Noire (3) afin de redonner l’estime de soi au peuple noir d’Afrique du Sud. Influencé par Ghandi, le mouvement est non-violent et travaille à construire de nouveaux repères positifs pour la population sud-africaine. Il meurt à l’âge de 30 ans torturé dans les prisons du régime de l’apartheid. (4)

 

  • Sarojini Naïdu (1879-1949) poétesse et politicienne indienne. Grande amie de Ghandhi, Sarojini joue un rôle important dans la volonté d’indépendance de l’Inde, notamment en tant qu’ambassadrice aux États-Unis dans les années 20. Elle mobilise les femmes indiennes pour participer aux actions de désobéissance civile menées par Ghandi face au gouvernement britannique. Elle est ensuite gouverneure et membre du Congrès indien. Elle écrit de nombreux poèmes en bengali. (5)

 

  • Wambui Waiyaki Otieno (1936-2011), auteure et activiste kényane. Wambui est née dans la tribu des kikuyus qui est à l’origine du mouvement de révolte des Mau Mau face au gouvernement britannique. Wambui s’y engage adolescente et y œuvre toute sa vie par l’écriture (6) et l’action politique. La lutte des Mau Mau continue bien après l’indépendance du Kenya. Ils demandent réparation au gouvernement britannique et obtiennent en 2013 des excuses publiques et des indemnisations. 

 

Pour ces portraits, Sybille du Haÿs choisit de creuser, gratter, graver dans une matière lumineuse : la paraffine. Le geste relève à la fois du dessin (le trait), de la gravure (les outils) et de la sculpture (le relief). Gravés dans le matériau blanc translucide, les dessins oscillent entre le visible et l’invisible. L’artiste invite le visiteur à trouver le bon angle de vue, une juste distance pour regarder à nouveau notre passé au travers de ces visages. Elle incite à abandonner la perspective traditionnelle et à se plonger dans les vies et les pensées de ces personnages méconnus, mais néanmoins acteurs de l’Histoire. 

 

Ce projet propose une attitude critique face à la couleur de peau, au statut, aux motifs d’action et à la mentalité. Il fait écho au concept de critical whiteness, notamment des sociologues américano-britannique Ruth Frankenberg et Steve Garner. Une réflexion sur le fait d’être blanc « (…) qui révèle les structures invisibles qui produisent et reproduisent des schémas de supériorité blanche et des privilèges. (7) »

 

 

(1) Dernière phrase du livre : Frantz Fanon, Les damnés de la terre, 1961, éd. François Maspero, p.305

(2) Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1952, éd. du Seuil, collection « Esprit », p.224

(3) Steve Biko, Conscience noire - Écris d’Afrique du Sud 1969 -1977, 2014, éd. Amsterdam Editions

(4) Donald Wood, Vie et mort de Steve Biko, 1978, éd. Stock

(5) Sarojini Naïdu, The Golden Threshold, 1905, ed. W.Heinemann 

(6) Wambui Waiyaki Otieno, Mau Mau’s Daughter - A life History, 1998, ed. Cora Ann Presley

(7) Barbara Applebaum, Critical Witness Studies, 2016, publié en ligne sur le site Oxford Research Encyclopedias, www.oxfordre.com

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